Comptabilité

Préparation du budget : les conseils et bonnes pratiques de la DAF de Kolecto

Par
Adeline Perrigault
9/12/2025
6
min

Dans un contexte où la précision financière conditionne la trajectoire d’une entreprise en croissance, construire un budget constitue est à la fois un acte stratégique, un exercice d’anticipation et un langage commun à partager à toute l’organisation. 

Pour Adeline Perrigault, DAF de Kolecto et experte-comptable diplômée, le budget est avant tout une boussole, un outil de pilotage vivant, exigeant et profondément stratégique.

Dans cette interview, Adeline nous partage sa méthode, ses convictions et ses bonnes pratiques pour transformer le budget en véritable outil de pilotage et d’arbitrage.

Quelle est ta philosophie quand tu abordes la préparation d’un budget ?

Je considère un budget comme bien plus qu’un simple exercice comptable : c’est la boussole stratégique de l’entreprise. Quand je me lance dans sa construction, je ne le conçois pas pour qu’il finisse rangé dans un dossier. Je le bâtis pour donner une trajectoire, pour fixer un cap : quels sont les objectifs de l’entreprise ? Où veut-elle aller ? Et surtout : avec quelles ressources, quels risques et quelles ambitions ?

Passons maintenant à la pratique, par quoi commences-tu pour construire ton budget ?

Dans une structure déjà établie, on part toujours du réel, à savoir les revenus. Je commence par analyser les clients récurrents, les engagements déjà signés, le chiffre d’affaires actuel, etc. Mais ce n’est que la première étape ; pour projeter de la croissance, je dois envisager des sources de revenus complémentaires : nouveaux contrats, développement commercial, diversification, etc. 

Ce travail d’analyse préalable doit reposer si possible sur des données passées ou, en absence d’historique suffisant, sur des repères de marché. C'est fondamental pour éviter des projections spéculatives.

Quelles sont tes principales contraintes dans ce processus ?

Il y en a trois. D’abord la temporalité : un budget ne se prépare pas en deux jours. Il faut du temps pour produire, consolider, présenter, ajuster, puis valider. Dans certaines entreprises, la validation implique plusieurs personnes, ce qui impose de bien planifier le calendrier.

Ensuite, le manque d’historique. Dans une structure récente ou en forte croissance, les données passées ne suffisent pas pour se projeter. On se retrouve alors à travailler sur des hypothèses, sur des données partielles, ce qui augmente l’incertitude. D’où l’importance de multiplier les scénarios. 

Enfin, la coordination interne : impliquer les responsables de chaque département, recueillir leurs besoins, les faire converger, arbitrer les demandes… C’est un travail collectif, mais qui exige discipline, rigueur et clarté, notamment lorsqu’il faut canaliser des besoins souvent supérieurs aux capacités financières.

Parlons maintenant des arbitrages. À quel moment commence-t-on ? Dès le début ou après la collecte des données ?

Pour arbitrer efficacement, il faut d’abord regarder la vérité des revenus. Par conséquent, l’arbitrage ne commence réellement qu’une fois la partie revenus consolidée. Avant cela, tout reste hypothétique. 

On peut définir des ordres de grandeur, des niveaux de dépenses par département, un poids maximal pour les fonctions support, un ratio masse salariale/revenus qui garantit l’équilibre de la structure. Ces repères permettent d’anticiper les tensions, mais jamais de décider trop tôt.

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Quelle est ta méthodologie pour bâtir ce budget ?

J’anticipe au maximum. Dans un monde idéal, mon calendrier démarre en septembre et se termine en novembre. Cela laisse trois mois pour produire le budget, le consolider, échanger avec les équipes et procéder aux ajustements nécessaires. Le respect des échéances est essentiel.

Ensuite, dans la pratique, je structure mon budget en plusieurs rubriques :

  • Hypothèses : croissance, churn, taux d’encaissement, répartition client…
  • Calculs : volumes, coûts, projections, etc.
  • Compte de résultat (P&L) : pour synthétiser les hypothèses.
  • Flux de trésorerie : indispensable, notamment quand l’entreprise n’est pas encore rentable.

La section “Hypothèse” est capitale car c’est de là que j’élabore différents scénarios : version optimiste, version prudente, version dégradée. C'est ce qui permet ensuite à la direction de s'assurer que les hypothèses sont cohérentes.

Chez les équipes DAF, quelle est la principale crainte au moment de préparer le budget ? Comment parviens-tu à l’éviter ?

Pour un(e) DAF, la phobie, ce de sous-budgéter. Dans une entreprise en croissance, où la trésorerie est le nerf de la guerre, une erreur de prévision peut avoir des conséquences graves.

Cela dit, quand on sous-estime, ce n'est pas par volonté, mais plutôt par méconnaissance ou manque d’information. C’est pourquoi je prévois toujours un budget révisé quelques mois après le début de l’exercice - vers mars ou avril - quand les premières données réelles sont connues, afin de réajuster dès que c’est nécessaire.

Comment se déroule la collaboration avec les responsables opérationnels et la direction ?

Dans un modèle idéal, chaque responsable de département porte réellement son budget. Il doit pouvoir comprendre que comprenne que toute demande a un coût, et qu’il faut savoir le défendre. 

Dans la pratique évidemment, les choses sont loin d’être aussi simples. 

Dans le cas d’un recrutement par exemple, la masse salariale doit être couverte par les revenus. C’est là un principe simple, mais qui évite bien des déconvenues. Recruter, qu’il s’agisse d’un salarié, d’un apprenti ou d’un freelance, ça s’anticipe toujours. Non seulement en termes de coût, mais aussi au regard des aides qui évoluent, de la conjoncture économique, ou de la capacité réelle du poste à générer du revenu ou de la valeur. 

C’est pourquoi je m’attache à établir un cadre clair et structuré : un template standard, des échéances précises, et, surtout, un langage commun.

Qu’il s’agisse de dates, de salaires, d’entrées ou d’hypothèses, je veille à ce que les échanges restent concrets et opérationnels, centrés sur l’impact réel. Mon objectif est d’éviter autant le jargon financier, qui pourrait perdre les équipes, que le langage technique propre aux métiers, qui risquerait de brouiller la compréhension globale.

Et concernant les recrutements, les OPEX, les coûts cachés ou l’inflation ?

Quand j’intègre des recrutements, j’anticipe tout : le coût complet d’un ETP, les charges fixes, les salaires bruts (charges comprises), mais aussi les aléas (départ, arrêt, intérim éventuel, surcoûts). Donc, si un responsable de département réclame un poste supplémentaire, il doit être capable d’expliquer ce que ce poste va apporter réellement à l’entreprise. Si demain je dois trancher entre deux demandes, je choisirai celle qui génère le plus de valeur. Il ne suffit pas de prévoir une embauche : il faut prévoir ce qu’elle coûte réellement.

Même chose pour les dépenses d'exploitation (OPEX), les prestataires et les fournisseurs. L’inflation, les hausses de coût, la volatilité des marchés… Tout cela doit être anticipé, voire surdimensionné, dès le départ. En phase de croissance, je préfère partir sur un scénario prudent, quitte à avoir de bonnes surprises derrière.

S’agissant des aides publiques (alternances, subventions, etc.), je ne compte jamais dessus comme des garanties à long terme car elles peuvent subitement être réduites, voire supprimées. Je construis mes prévisions comme si elles n’existaient pas et je traite toute aide éventuelle comme un bonus possible, mais non garanti.

Quelles erreurs avez-vous identifiées ? Comment les éviter ?

L’erreur la plus fréquente, et la plus dangereuse, c’est un Excel mal maîtrisé : une formule oubliée, un mauvais renvoi, une virgule mal placée… Quand on est “dans le guidon”, ces erreurs arrivent vite, invisibles, surtout lorsqu’on est pris par l’opérationnel.

Ma méthode pour éviter ça :

  1. produire le fichier
  2. le laisser reposer une journée
  3. le relire avec recul
  4. faire vérifier par un pair
  5. et systématiser des checks de cohérence.

J’ai aussi pris le réflexe de formaliser le budget dans un support de synthèse (type Google Slides ou PowerPoint), avec P&L, cash-flow, hypothèses et quelques commentaires. Cela force à expliciter ce que l’on a pris comme option, et met souvent en lumière les incohérences.

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Rédigé par
Adeline Perrigault
VP Finance Kolecto
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